Spellforce 3 Reforced : un manque d’optimisation console pour un titre pourtant plaisant

Spellforce 3 propose un mélange de RPG et RTS intéressant sur le papier dans un univers fantasy riche. La version console est enfin sortie après de longs mois d’attente, dommage que Grimlore loupe le coche avec un portage montrant quelques soucis d’ergonomie et techniques, car le titre reste plaisant à parcourir. Est-ce que tout à jeter ? Non, loin de là, mais on aurait aimé que le projet aille au bout des choses.

La narration prend place plus de 500 ans avant Spellforce premier du nom. Une guerre civile éclate entre les adorateurs de la Lumière et la faction des mages menée par Isamo Tahar. Alors que celui-ci est sur le point d’être capturé par le général Sentenza Noria, général de l’armée royale, le renégat réussit à s’échapper et laisse derrière lui des prisonniers qu’il allait exécuter suite à une tentative de soulèvement. Parmi eux se trouve sa propre progéniture qui devient notre avatar. Sentenza décide de nous prendre sous son aile et fait de nous un membre à part entière de la garde royale d’élite qui ne tarde pas à nous envoyer sur notre première mission. Une mystérieuse épidémie mortelle se répand et menace le monde d’Eo. Le brûlesang terrasse toute personne contaminée dans d’atroces souffrances, mais tout semble indiquer qu’il ne s’agit pas d’une simple maladie, mais bien que la magie, aujourd’hui bannie, soit impliquée.

Avant de nous lancer dans ce long périple, un tour dans le générateur de personnage s’impose afin de créer notre propre avatar de toute pièce. Les options présentes pour la campagne sont limitées, obligeant par exemple la race humaine. On définit notre classe en combinant plusieurs arbres (3) de talents comme magie élémentaire/blanche/noire, archer, protecteur, etc. Cela a pour effet de déterminer notre équipement de base, mais aussi la répartition de nos statistiques archi connue, mais efficace.

Très rapidement, on décèle certaines ficelles de la trame principale notamment liées à l’identité de notre personnage étant considéré comme un traitre à l’image de son père. Pour peu qu’on soit habitué au C-RPG et à tout ce qui touche l’heroic/berk fantasy, on retrouve retrouve tous les classiques du genre, et ce qui constitue les enjeux récurrents : affaires politiques, la place prépondérante de la religion, les trahisons, etc. Même si Grimlore Games reste sur du basique, ils arrivent tout de même maintenir l’intérêt du joueur durant les 20-25h nécessaires pour voir le bout de l’aventure (un peu plus si on remplit les quelques objectifs annexes). Sans égaler les cadors, ou par exemple l’excellent Tyranny, Spellforce 3 assure plus que le minimum syndical pour son écriture.

Eo, terre ravagée, mais généreuse

La Lore se montre des plus riches avec de très nombreux dialogues. Certes, les PNJ majeurs ne sortent pas réellement des archétypes classiques, mais au final la sauce prend tout de même grâce à une écriture soignée et un background travaillé, et complet. L’univers créé, même s’il est loin de faire dans l’originalité est cohérent et bien construit. La partie audio est globalement qualitative avec une bande-son discrète, mais jouant un grand rôle dans l’immersion de par sa justesse et un doublage aux petits oignons en anglais avec notamment la voie de Geralt de Riv !

La direction artistique rappelle l’âge d’or du C-RPG façon Baldur’s Gate ou plus récemment les Pillars Of Eternity. Le style visuel particulier des textures fonctionne toujours autant d’autant que chaque recoin fourmille de détails ci et là. Ce monde fantaisiste propose de nombreux décors variés offrant tous un petit quelque chose à eux. À l’inverse, on ressent régulièrement une impression de vide, de pans entiers de la carte où aucune trace de vie ou civilisation n’apparait et c’est d’ailleurs ce qui fait sa force du jeu de Grimlore. On n’est pas constamment entouré de zones saturées, rendant le tout cohérant pour l’époque type médiévale.  Dommage que Spellforce 3 affiche quelques problèmes à l’écran, comme des glitchs ou artefacts par moment, des personnages partiellement invisibles sans parler de quelques oublis de traduction côté texte.

Du JdR basique, mais efficace

La facette RPG se montre des plus classiques. On dirige nos personnages, en vue isométrique, sur la carte afin de rallier un d’objectif, annihiler les adversaires, gagner de l’expérience pour accumuler des points de statistiques et compétences, sans oublier le traditionnel loot. Lors des combats il est possible de définir, lorsqu’on sélectionne les sorts ou consommables, si l’action continue en temps réel, ralenti voire même de mettre en place une pause active à la façon de Poe pour le mentionner une nouvelle fois. Comme pour notre héros, chaque avatar majeur qui nous accompagne (3 maxis) dispose d’une classe et de trois arbres. On équipe les armures/armes et on répartit les points de talents/compétences selon nos besoins pour nos protagonistes. Chaque archétype comprend plusieurs orientations à l’image du mage qui peut devenir un combattant élémentaire, utiliser la magie noire pour accumuler les afflictions ou blanche pour soigner ses coéquipiers. Encore une fois, on reste sur une formule classique, vue et revue, mais qui fait le travail. Terrain connu oblige, la prise en main ne s’en veut que plus rapide.

Une surcouche RTS qui manque de profondeur

La partie stratégie arrive souvent une fois la mission déjà bien avancée, comme une composante supplémentaire et non comme un genre majeur dans Spellforce 3. Un village rejoint ou une place capturés, on commence par les bâtisses pour récolter bois, pierre en affectant la main-d’œuvre selon nos besoins afin d’accélérer l’accumulation d’une ressource plutôt qu’un autre. Ceci permet par la suite de construire une caserne pour débloquer les fantassins, la fonderie ouvre à l’accès à des améliorations ou les catapultes et ainsi de suite. Spellforce 3 fait le choix de prendre ce qui fonctionne ailleurs, ce qui est répandu, et le greffe à sa formule sans vraiment ajouter sa petite touche personnelle. La nouveauté est le fait d’étendre notre influence sur le terrain via la capture de point stratégique, éparpillé sur la carte, afin de gagner des spots de récolte supplémentaires, pouvoir contrôler plus d’unité ou même découvrir des ressources comme le métal.

Maintenir cette économie à flot permet de créer une armée d’envergure (à condition d’avoir assez de baraquements pour héberger tout ce beau monde, et de la nourriture à foison), mais au final, on s’aperçoit rapidement qu’on ne subit pas vraiment d’attaque lors de la campagne et encore moins qu’il soit nécessaire de monter une troupe massive pour annihiler l’ennemi tant l’IA ne nous oppose pas de grande résistance. Son comportement est également sujet à réflexion quand on voit les forces adverses arriver en petit train et s’arrêter dans nos zones de dégâts. Quelques pics de difficulté ci et là existent, mais en règle général, le voyage se passe sans réel accroc et la partie RTS en devient plus facultative qu’obligatoire.

Une ergonomie oubliée

Dès les premières minutes, on se rend compte que le jeu n’a jamais été pensé pour la manette et est mal adapté à ce périphérique. En plus d’une UI parfois invasive (notamment des tooltip en plein écran devant l’action), le contrôle au joystick manque d’optimisation. On a des menus circulaires via L1, R1, L1+R1, L2 et même R2. Quand on veut construire un bâtiment, on ne dispose pas de l’option habituelle où on aperçoit un patron transparent qu’on place librement ensuite. Le choix se valide et se met en plein milieu de l’écran. Sur PC, tout paraissait tellement fluide, mais au pad, on trouve la formule pas forcément pratique. Même après un temps d’adaptation, il arrive encore qu’on se trompe.

Du contenu ? Tiens en voilà !

En plus de la campagne principale, Spellforce 3 en propose une autre additionnelle, tout comme plusieurs scénarios permettant d’ailleurs d’incarner un personnage créé de toute pièce (même si on dispose de plus de choix que lors du solo, cela reste limité) dans des situations prédéfinies, rallongeant de plusieurs heures le contenu disponible.

Le multijoueur offre plusieurs facettes à commencer par le fait de parcourir la campagne en coopération ou du PvP traditionnel où plusieurs joueurs s’affrontent. On retrouve du gameplay plus proche du RTS que lors du solo, la construction rapide d’une arme efficace devenant primordiale pour vaincre les forces adverses. D’ailleurs Spellforce 3 permet plusieurs variantes allant de la destruction pure et simple ennemie ou la capture de point. Il y a de quoi faire largement sur le sujet, encore faut-il que la partie réseau fonctionne ce qui est loin d’être la norme avec un lancement assez chaotique et un matchmaking souvent lent.

Sur PC, Spellforce 3 dispose de deux contenus additionnels stand alone, allongeant de quelques dizaines heures le voyage. À la vue de l’âge du jeu et des DLC (surtout le premier), on pensait naïvement que la mouture console serait une sorte de GOTY. C’est bien le cas à condition de poser un billet en plus (39,99 vs 59,99). En cas d’achat de la version standard, c’est deux fois 19,99 pour profiter de la totale. 

Spellforce 3 propose du classique, certes efficace, mais qui manque tout de même parfois de personnalité. Le gameplay RPG reste sur la base du genre, alors que la facette RTS semble plus optionnelle que réellement implantée jusqu’au bout tant on arrive à compléter les missions en faisant le strict minimum de ce côté. Non pas qu’il soit mauvais, mais Spellforce 3 a des fois une allure de best of des composantes prises ci et là sans ajouter sa pâte maison. Le portage console manque clairement de finition et c’est dommage, car il n’a que très peu de concurrence sur ce créneau sur ce support. L’aventure en Eo reste tout de même sympathique à faire.