Disponible depuis quelques jours, Frostpunk 2 renoue avec sa formule si savoureuse découverte il y a quelques années, qui mêle survie, builder, gestion et surtout une bonne dose de morale et d’éthique. Si le fond reste assez similaire, la forme a subi une révolution. La prise de risque était énorme, mais le succès est toujours au rendez-vous !
Petit retour en arrière : l’histoire prend place à la fin du XIXe siècle, dans un univers alternatif mêlant indus, post-apo, le tout sur fond d’ère glaciaire qui s’est abattue sur le monde et n’a laissé aucune chance à la population mondiale, décimée. Peu de survivants échappent à la catastrophe et l’Angleterre construit alors des générateurs dans le Grand Nord afin de survivre. Car oui, il n’est plus question de vivre, mais bien de tout faire pour ne pas y passer… On y incarne un capitaine qui prend la tête d’un petit groupe avec pour rôle de réussir à sortir la tête de l’eau et de redonner un maigre, mais existant, espoir à la population. Frostpunk 2 est une suite « directe » au premier épisode, dans le sens où l’histoire se déroule 30 ans après le cataclysme qui a dévasté la Terre, après la mort du capitaine, avec pour but ultime de diriger la toute dernière cité humaine !
À nouveau, le titre de 11 Bit Studio propose deux modes : le premier, scénarisé, appelé l’héritage de la Nouvelle-Londres et un second qui est du pur sandbox. Voyez clairement la première option comme un mega tuto avant de vous lancer dans un voyage périlleux, sans filet, où la mort n’attend qu’un mauvais pas pour frapper. La liberté du mode bac à sable est immense, ayant comme seule limite notre imagination et surtout notre réussite… Dans la campagne, on incarne un gouverneur succédant au héros du premier Frostpunk, à présent mort, dont le but est d’assurer la survie, mais aussi la longévité de la nouvelle cité qui ne part de rien, et tout cela au travers de cinq chapitres. Bien entendu, si vous avez joué à FP premier du nom, vous vous doutez bien que ce sera tout sauf une promenade de santé et que le danger rôde à chaque recoin, attendant notre faux pas pour nous en coller une bien directe au passage.
L’avenir est-il un long passé ?
C’est en effet dans ce mode que l’on apprend les rudiments du gameplay et que l’on (re)découvre la formule, tant dans son fond connu que dans sa forme nouvelle. Car oui, Frostpunk 2 chamboule tout ce qu’on savait, surtout sa façon de faire qui altère une grosse partie de l’expérience. On peut même dire qu’on tient plus du nouveau jeu que d’une suite tant le fondement est bouleversé. Le contexte reste le même, mais on ne joue plus Frostpunk de la même façon. La survie de la colonie reste l’idée principale, le fil conducteur, tout en répondant aux différents besoins des habitants en matière d’habitat, de chaleur, de nourriture, de sécurité, de soin, etc. S’ajoutent à cela les aléas météorologiques assez punitifs si l’on n’est pas bien préparé : les Enfers blancs, véritables tempêtes polaires laissant des traces au moindre raté et ralentissant toute notre colonie.






La forme prend une tout autre tournure : on abandonne le builder-sim tel qu’on l’a connu. On n’est plus dans une petite bourgade à améliorer, mais dans un jeu de gestion à grande échelle, avec une carte plus grande, une population de base plus importante, etc. On ne gère plus à l’unité, mais par pan entier. Concrètement, on ne colle plus une résidence une par une, mais des quartiers, après avoir fait table rase avec les brise-glaces utilisant des tickets dédiés, et tout cela prend du temps (on parle en semaine, et plus forcément en jours à présent). On gère district à district grosso modo (résidence, production alimentaire ou énergétique), on détermine la taille, on agrandit, on améliore, on modifie la production à la volée selon le besoin. Et encore, pour avoir de l’énergie, il faut d’abord trouver sur la carte un pôle où il y a du pétrole, dégager le chemin jusque là-bas, et ensuite seulement on peut monter toute une zone industrielle qui va gérer cette ressource.
Et bien sûr, on conserve toujours cette couche « crise » au-dessus de la tête… Le temps défile, le froid arrive, les besoins sont toujours plus pressants… Il faut remplir x demandes mais on a pas le temps de tout faire … C’est pourquoi il est nécessaire de toujours peser le pour et le contre, de bien réfléchir à ce qu’on va faire pour être sûr de ne pas le regretter. Si sur la longueur, Frostpunk 2 est « moins » exigeant que le premier, les premières heures sont assez relevées, à cause de cette nouvelle approche qu’on doit appréhender et contre laquelle on doit parfois se défaire de nos habitudes du premier.
Le malheur des uns fait le bonheur de tous
Afin de maintenir la cordée, on fait souvent des choix difficiles. On touche aux morales des uns pour le bien de tous (restriction de chauffage, journée allongée, usine tournant 24 heures sur 24 en équipe). C’est dans l’effort collectif qu’on sortira la tête de l’eau. Un bonus n’est jamais gratuit et, à force , des malus apparaissent rapidement : plus de malade ? Des morts ? Et j’en passe. Le générateur a lui aussi connu un petit changement : il est désormais possible de le faire fonctionner avec deux énergies : le gaz, en plus du pétrole, tout en facilitant l’usage du mode « sur multiplicateur » qui n’est plus aussi punitif qu’avant, si on le pilote mal.
Maintenant qu’on commence à bien faire tourner notre cité, on s’intéresse à l’Étendue, ce vaste monde qui autour de la nouvelle Londres. On le parcourt avec la plus grande prudence, tant les risques de pertes humaines sont grands, mais cela nous permet d’accueillir de nouveaux réfugiés et de récupérer des ressources si chères à nos yeux (qu’on achemine par nos éclaireurs puis via différentes machines). On établit des avant-postes qui, pour certains, prennent pour certaines des allures de secondes cités. La recherche est toujours au rendez-vous avec six branches afin d’améliorer / débloquer de nouvelles technologies et bâtiments. Tout ceci rejoint la partie politique qui prend la forme d’une démocratie à présent, avec plus d’ouverture et moins d’oppression (du moins en apparence), avec des représentants de différentes parties. Chaque groupuscule est vivant, avec ses propres idéaux et son pourcentage d’occupation de sièges à l’Assemblée, en perpétuel mouvement. Là aussi, Frostpunk 2 prend une tout autre direction, offrant de ce fait une grande rejouabilité.
49.3 !
Comme dans la vie réelle, les idéaux sont parfaits et totalement opposés. Selon ce qui est mis en place dans notre ville, les factions approuvent ou non, et cela impacte notre vie à tous ! Quand on propose une nouvelle loi, elle doit obtenir la majorité pour être adoptée. Pour y parvenir, il faut du soutien et pour cela, tous les moyens sont bons : négociations, promesses, soutien financier ou propositions d’améliorations allant dans le sens de leur vision. On est là aussi face à quelque chose qui ressemble à la politique actuelle… Mais attention, qu’on soutienne ou non un parti, gare à y aller mollo sous risque de créer des émeutes, voire une guerre civile et là, c’est le drame ! Même si on ne peut tout concilier 24 heures sur 24, il est important de maintenir un certain équilibre dans la balance et que tout le monde y trouve un minimum sa place. Malheureusement, il existe toujours des cas extrêmes où il est nécessaire de jouer de notre autorité pour faire passer une loi qui est plus que nécessaire… On tombe alors dans la dictature et on accède à différents outils de propagande ou de répression, mais gare aux retombées si on va trop loin…
Cette expérience nous met en situation de tension permanente, avec de nombreuses phases où l’on choisit le scénario le moins pire pour espérer remonter la pente ensuite. La nouvelle forme macro est vraiment intéressante et nous place aux commandes d’une nation plus grande, ce qui demande de ce fait une meilleure faculté d’adaptation. La nouvelle couche politique est également une pépite, car nos décisions feront encore et toujours des mécontents et la voix du peuple compte bien plus qu’avant… et pourtant, il faut souvent s’y opposer pour le bien de tous.







Amour glacial
L’ambiance polaire de Frostpunk 2 ne réside pas uniquement dans la température négative, mais aussi dans le contexte et la façon dont tout est présenté et amené. Notre éthique est perpétuellement mise à mal, nous devons souvent faire le choix cornélien et brusquer notre peuple pour maintenir la tête hors de l’eau. La qualité de plume mérite le respect, avec tout un tas de situations à créer, maintenir et suivre, les réactions et comportements du peuple et de l’assemblée face à nos agissements, etc. C’est du premium !
Le moteur visuel met à mal notre ordinateur 4070 Ti S quand on pousse tout au maximum, mais il faut dire que la qualité obtenue et le souci du détail méritent le coup d’œil. Dès lors qu’on descend d’un cran, les performances s’envolent et la différence esthétique reste peu perceptible. Les animations quand on zoome, la vie qui fourmille ci et là, tout est fait pour nous immerger, surtout quand on couple cela à la bande son qui nous maintient accroché à cet univers post-apocalyptique. En ce qui concerne les bugs, j’ai connu quelques plantages les premiers jours de jeu, ainsi que des souci de localisation, mais la plupart ont été corrigés depuis le début de mon aventure.
11 Bit Studio a pris un pari fou : conserver le fond de son succès, mais en retoucher très largement la forme, et c’est une réussite totale. Frostpunk 2 est un second voyage tout aussi puissant que le premier, mais prenant une nouvelle tournure. On est sur une tout autre échelle maintenant, gérant une plus grosse communauté dont la voix du peuple est aujourd’hui au centre de l’expérience. Pourtant, la situation est toujours aussi rude. La gestion demande plus de réflexion qu’auparavant, mais quelle plaisir ! Toujours au bord du précipice, on redouble d’efforts pour sortir de notre manche une solution à un nouveau problème avec toujours ce même but : survivre !