10 novembre 2025

Test Ghost of Yotei : merveilleux

Après le superbe voyage en compagnie de Jin Sakai, Sucker Punch nous offre une seconde expérience dans son univers de Japon féodal avec Ghost of Yotei : une nouvelle héroïne, une nouvelle région, une nouvelle histoire, le tout avec une technique de pointe et un gameplay léché, agrémenté de nouveautés qui viennent embellir une recette efficace.

Le joueur incarne Atsu, une jeune femme qui a connu un funeste destin : sa famille entière a été massacrée par les Six de Yotei. Laissée pour morte, Atsu survit pourtant et revient sur ses terres natales d’Ezo seize ans plus tard, avec une seule idée en tête : se venger de ceux qui lui ont tout pris en les tuant un par un, jusqu’à atteindre leur chef, le tyran Saito. Peu à peu, les rumeurs d’un onryo (un esprit vengeur prenant l’apparence d’une femme) se répandent et parviennent aux oreilles des Six. Atsu ne pense qu’à répandre le sang pour venger le sien, quel qu’en soit le prix. Si l’histoire de vengeance peut sembler déjà vue, la qualité de la plume de Sucker Punch nous embarque dans un voyage captivant, prenant le temps d’introduire son héroïne, Atsu, doucement mais sûrement, en alternant passé et présent, son histoire, son vécu, mais aussi sa lutte qui prend une tournure allant bien au-delà de la simple vengeance. La région d’Ezo aspire à bien plus que de rester sous le joug d’un dictateur sanguinaire, et l’appel du peuple ne laisse pas Atsu insensible.

Durant son périple, Atsu rencontre de nombreux personnages qui l’accompagneront plus ou moins longtemps (la fameuse meute, autour d’une louve solitaire) et, bien sûr, ces rencontres ne laissent pas Atsu de marbre, l’amenant même parfois à remettre en question sa vision des choses, ses idéaux, et à comprendre que le sang n’est pas toujours la solution. Finalement, Atsu est l’antithèse de Jin Sakai, qui débute avec un code d’honneur, le Bushido, pour finalement s’en affranchir et vouloir sa vengeance à tout prix, quitte à sombrer et à se perdre dans sa quête, jusqu’à tomber dans le côté obscur. Pour Atsu, c’est plutôt l’inverse : sa part d’ombre prend un peu moins de place au fil de son avancée et elle voit que tout n’est ni tout blanc, ni tout noir. Elle qui a vécu dans la souffrance, avec une haine qui la ronge, elle pourrait finalement aspirer à autre chose ?

Le sang appelle le sang

La construction (la traque des Six) et surtout la finalité ne nous surprennent pas forcément, mais l’ensemble reste prenant, bien écrit, avec des personnages ayant chacun droit à un travail approfondi, de l’annexe scénarisé, un monde évoluant autour de nous et une mise en scène travaillée. L’immersion est tout bonnement XXL, et le doublage en japonais pousse encore un peu plus le vice. Il existe un doublage français de qualité, mais j’ai pour habitude de toujours jouer dans la langue correspondant le mieux à l’expérience, la langue parlée par le héros du moment, le pays où se déroule notre voyage. La bande-son accentue encore cette immersion XXL et nous transporte durant des heures dans Ezo, en compagnie d’Atsu. Un peu prévisible, mais bien ficelée, la narration est entourée de tout ce qu’il faut pour que notre voyage au Japon soit mémorable. Entre AC Shadows au début de l’année et GoY maintenant, je suis comblé en tant que fan de l’histoire du Japon et de ces périodes historiques là !

Manette en main, Ghost of Yotei apparaît comme une suite logique du premier opus, avec un socle commun et de nombreuses mécaniques reprises, sans pour autant s’interdire d’apporter quelques ajustements, modifications et même nouveautés. Le gameplay reste axé sur l’exploration d’un monde ouvert mêlant aventure, action, combats et duels, ainsi qu’un grand nombre d’activités annexes à faire et de points d’intérêt à découvrir. Sur ces fondations, n’attendez pas une révolution profonde de l’offre de Tsushima, mais plutôt une version plus aboutie et affinée avec Yotei et parfois variante. Ce qui nous fait kiffer, c’est ce système de combat grandiose, avec des joutes frénétiques, techniques, sanglantes à souhait, et ces duels où l’on sort l’épée au bon moment pour trancher dans le vif, etc. Mais une première différence majeure frappe d’emblée : le retrait pur et simple des différentes postures de Jin Sakai, utilisées auparavant pour s’adapter à l’adversaire, selon qu’il portait un bouclier, une armure lourde, etc. En lieu et place, Atsu utilise plus d’armes différentes, ne se cantonnant pas à un katana, mais utilisant également une double épée, un odachi, etc. 

Comme on pouvait s’y attendre, chaque arme a ses propres forces et faiblesses, et l’utilisation de la bonne arme au bon moment remplace finalement ce système de postures. On retrouve un système similaire à celui des tactical RPG, comme Fire Emblem, où le bleu domine le rouge, qui domine le vert, qui domine le bleu. Ici, on retrouve un système similaire mais avec cinq armes. Si ce n’est pas toujours simple à mettre en pratique dans une grande mêlée, l’expérience devient plus enrichissante et délicieuse lors des duels et des combats contre les boss, avec une mise en scène digne d’un film, une musique et un gameplay qui sont au rendez-vous ! Bien entendu, il est toujours question d’arc pour les attaques à distance, mais aussi d’armes à feu, à n’utiliser que dans des cas bien précis, car il est difficile de trouver des munitions. On retrouve également le traditionnel ensemble d’objets comprenant des kunais à lancer, des pétards pour distraire, etc., ainsi qu’une petite nouveauté : Atsu peut saisir une arme au sol (une lance, un sabre, etc.) et la jeter sur un ennemi pour le transpercer directement ! L’infiltration reste dans la veine de GoT, avec la possibilité de raser des camps entiers sans alerter quiconque. L’IA manque parfois encore un peu de jugeote, mais on a vu pire.

Une meute féroce

L’autre ajout majeur concerne l’arrivée d’un compagnon de taille : la louve. Si ses premières apparitions sont scriptées et précises, sa disponibilité évolue au gré de l’histoire et des quêtes liées à cet animal jusqu’à devenir un vrai soutien sur lequel compté, intervenant plus souvent et quasi à la demande. Elle devient alors un véritable atout utilisable en combat pour bénéficier d’un assistant de choix. Elle possède même son propre arbre de compétences avec des talents à débloquer, pour remplir au mieux les différentes demandes : le combat, l’infiltration, l’élimination, etc. Mais pour « améliorer » la louve, il faut encore se pencher sur le contenu secondaire qui lui est dédié. Côté RPG, Atsu gagne en santé maximale et en esprit (la ressource permettant d’utiliser des soins ou des techniques spéciales) en trouvant des ressources spéciales lors de l’exploration. Chaque arme possède son arbre de talents, où l’on débloque de nouvelles options en rencontrant les senseis et en relevant des défis en tout genre. On y retrouve les équipements habituels, comme les armures, les charmes et les accessoires, sans oublier les armes, bien entendu. Lootées, ces pièces sont améliorables pour la plupart chez un forgeron, à condition d’avoir les ingrédients nécessaires. Le farming de composants se fait finalement assez naturellement durant tout notre périple. 

Le contenu principal occupe déjà plusieurs dizaines d’heures, et il faut en ajouter autant pour tout nettoyer. Entre les missions scénarisées, les sources d’eau chaude, les sanctuaires en tout genre, la coupe de bambou, les camps de Saito, etc., le contenu disponible est gigantesque, sans compter les événements aléatoires qui se produisent au gré de nos balades. Le défaut de cet excès est souvent de tomber dans du Fedex sans âme quand on quitte la route principale mais dans le cas de Yotei, l’ensemble reste qualitatif. Certes, la qualité de la plume des missions additionnelles n’égale pas celle de la trame centrale mais tout ce qui relève des quêtes reste de très bonne facture. Tout ce qui consiste à explorer pour trouver tous les lieux d’intérêt a désormais droit à un peu plus d’habillage, apportant parfois du lore. Cela reste minime mais appréciable tout de même. À cela s’ajoutent des primes pour des renégats recherchés par les Six de Yotei et ce qu’on pourrait voir comme la résistance. On en a pour notre argent avec de quoi prolonger l’expérience sans difficulté.

Un plaisir rétinien

J’avais pris une belle claque avec Ghost of Tsushima à sa sortie sur PS4., puis sa réédite sur PS5 avec le DLC plutôt sympa à faire, et encore plus sur sa sortie PC avec une direction artistique folle et une optimisation poussée (même sur Steamdeck c’était plutôt soigné). Sur PS5, Ghost of Yotei envoie du lourd avec une nouvelle fois un monde magnifique à parcourir, un rendu époustouflant et des modélisations à la hauteur de ce qu’on attend d’un jeu actuel, le tout combiné à une fluidité irréprochable, quel que soit le preset choisi, avec un framerate qui ne vacille jamais. Que ce soit par la richesse des environnements visités, la météo dynamique ou encore le cycle jour/nuit, Ezo se montre sous son meilleur jour et nous en met plein la vue. Et surtout, il fourmille de petits détails et de vie partout. Sur PS5 Pro, c’est le summum avec un preset combinant la définition maximale, le preset maximal, le ray tracing et le tout à 60 fps. D’un point de vue technique, Ghost of Yotei est ce que j’attends d’un titre PS5 Pro : la formule « all inclusive », sans avoir à faire de choix.  Bref, tout cela pour dire que Ghost of Yotei est l’un des fers de lance de la PS5 Pro, sans la moindre hésitation.

Comme pour le premier opus, on retrouve tout un tas d’options permettant de renforcer l’immersion, comme les filtres, le grain de pellicule, etc., pour un rendu et un style proches des vieux films de samouraïs en noir et blanc. La bande-son, déjà évoquée, est le fruit d’un travail remarquable, alliant musique traditionnelle japonaise et bruits ambiants qui accentuent ce qui est retranscrit à l’écran, tout en s’ouvrant à des influences d’autres époques et genres. Le ressenti du joueur alterne entre contemplation, plénitude et mélancolie, pour basculer ensuite dans la tension d’un affrontement où seul l’un des deux guerriers sera encore debout quelques minutes plus tard. 

J’attendais Ghost of Yotei avec impatience, mais aussi avec quelques craintes de voir un Ghost of Tsushima bis, rien de plus. Mais Yotei va, heureusement, plus loin : c’est plus qu’un simple changement d’époque et de héros. Il s’appuie forcément sur le socle construit avec Jin Sakai pour peaufiner, améliorer et affûter les mécaniques, tout en changeant certaines approches de manière assez radicale, suffisamment en tout cas pour nous pousser à aller jusqu’au bout du voyage et à accompagner Atsu dans sa quête de vengeance. La narration est bien menée, la construction est bien ficelée, le gameplay est toujours aussi accrocheur, et le combo d’une direction artistique divine et d’une technique premium enfonce le clou. Si vous avez aimé Tsushima, vous devriez adorer Yotei.

Laisser un commentaire