Maid of Salvation est l’un de ces jeux qui ne cherchent pas à impressionner à tout prix, mais qui gagnent leur place par la rigueur de leur conception. Développé par le studio japonais ORANGE POPCORN, ce titre mélange habilement action-RPG, métroidvania et quelques éléments de souls-like, le tout dans un univers gothique à la fois mélancolique et épuré. On y incarne Shizuka, une jeune servante errant dans un purgatoire aussi silencieux que dangereux, à la recherche d’une forme de salut personnel. Le résultat : un jeu solide, maîtrisé et étonnamment accrocheur, qui s’impose non pas par l’originalité, mais par la justesse de son exécution.
Dès la première partie, Maid of Salvation affiche ses intentions. On retrouve une vue isométrique sobre et claire, une prise en main immédiate, et surtout un système de combat qui privilégie la sensation avant la complexité. On frappe au corps à corps à l’épée, à distance avec un flingue, on dash, on saute, on enchaîne les coups avec une fluidité instinctive. L’ensemble est simple, presque minimaliste, mais ça fonctionne. Chaque arme a sa propre personnalité : certaines sont rapides et permettent de tenir l’ennemi sous une vague, d’autres frappent lentement mais avec un impact considérable. Le jeu encourage à varier, à tester, à s’adapter selon la zone ou le type d’adversaire. On sent rapidement que le système n’est pas là pour noyer le joueur dans des mécaniques inutiles, mais pour favoriser la réactivité et le plaisir du timing.
Cette accessibilité n’empêche pas Maid of Salvation d’avoir du fond. Dès qu’on avance, la tension monte. Les ennemis deviennent plus agressifs, leurs attaques se complexifient, les erreurs se paient cher. C’est ici qu’entre en jeu la dimension « souls ». Le jeu reprend cette idée de progression à risque : l’expérience accumulée au combat sert à augmenter ses statistiques, mais on doit la valider auprès de statues dissimulées ci et là. Si on meurt avant d’y parvenir, tout s’évapore. Ce système donne du poids à chaque exploration ; il pousse à réfléchir à chaque détour, à jauger le risque avant d’avancer plus loin. Monter une stat n’est jamais un geste anodin : faut-il renforcer la vitalité pour survivre, ou miser sur la puissance pour écourter les combats ? Le choix est constant, et la montée en puissance se ressent à mesure qu’on s’habitue à l’exigence du jeu.
La structure du monde rappelle clairement celle d’un métroidvania. Chaque zone est une carte à explorer, truffée de passages secrets, de coffres et de raccourcis qui ne se révèlent qu’après l’obtention de nouvelles capacités ; ou avoir vaincu un adversaire précis. On s’y perd volontiers, on y revient souvent, et le plaisir de redécouvrir un chemin bloqué depuis longtemps reste intact. Entre deux excursions, on repasse par un hub central. Ce lieu fait office de refuge : quelques PNJ s’y regroupent, proposent des quêtes, vendent des objets ou échangent des dialogues laconiques, souvent teintés de mystère. L’ambiance y est calme, presque suspendue, comme un moment de répit avant de replonger dans la noirceur des zones suivantes. Cette respiration contribue beaucoup à la cohérence du jeu.






Sur le terrain, Maid of Salvation sait maintenir un bon rythme. On enchaîne les combats et les explorations sans jamais se sentir bloqué trop longtemps. Les ennemis ont juste ce qu’il faut d’agressivité pour forcer la concentration, et chaque victoire donne cette satisfaction propre aux bons ARPG : celle d’avoir compris, anticipé, et exécuté au bon moment. On se surprend à apprécier la précision des esquives, la justesse du dash, ou la sensation de lourdeur d’un coup parfaitement placé. Le jeu ne triche pas : il demande attention et rigueur, mais ne punit jamais injustement. Avec de l’attention, et de la retenu (non, le dernier coup ne passera pas, donc esquive et revient), tout se passe relativement bien.
Le bestiaire, sans être immense, reste cohérent avec le ton du jeu. On croise d’abord des créatures simples – des ombres ou des âmes corrompues – avant de rencontrer des ennemis plus dangereux, parfois capables de saturer l’écran d’attaques. Les boss, eux, constituent de bons moments de tension. Ils reprennent les codes classiques du genre : patterns lisibles, attaques spectaculaires, et une marge d’erreur réduite. Rien d’impossible, mais assez pour forcer à apprendre. On ressent une vraie satisfaction quand un combat se termine bien, d’autant que la mise en scène sait se faire discrète mais efficace.
Techniquement, Maid of Salvation fait preuve d’une belle constance. Le moteur n’a rien de révolutionnaire, mais il tourne sans accroc. La direction artistique, avec ses tons sombres et son architecture gothique, dégage une vraie identité visuelle sans en faire trop. On sent une inspiration rétro assumée, presque « PS1 » dans certains angles pour grossir le trait couplé à une modélisation d’héroine moderne par exemple, mais soutenue par une fluidité moderne. Le jeu tourne sans broncher à 100-120 fps sur le ROG Xbox Ally X, et garde de bonnes performances même sur des configurations modestes. La lisibilité à l’écran, cruciale pour ce type de jeu, reste exemplaire : chaque coup, chaque projectile, chaque effet visuel est distinct. C’est un titre techniquement sobre, mais parfaitement stable.
L’ambiance sonore, elle aussi, contribue à l’efficacité générale. La musique accompagne sans envahir, alternant entre nappes mélancoliques et thèmes plus rythmés lors des affrontements. Les bruitages, surtout lors des impacts, renforcent cette sensation de poids dans le combat. La sobriété du sound design colle à la retenue globale du jeu. L’univers ne cherche pas à tout expliquer ; il laisse planer une aura de mystère, et ça fonctionne.
Au fil des heures, Maid of Salvation s’impose comme une expérience forte du paysage indé. Pas révolutionnaire, mais solide. On se prend au jeu de l’exploration lente, de la progression méthodique, du risque calculé. Le plaisir vient du contrôle plus que de la surprise : on affine sa technique, on comprend les zones, on s’améliore naturellement. C’est un jeu qui ne cherche pas à séduire par des effets, mais par une constance. Même les moments de frustration, quand on perd trop d’expérience ou qu’on se trompe de chemin, finissent par renforcer la satisfaction quand on surmonte l’obstacle.
Bien sûr, tout n’est pas parfait. La narration, volontairement discrète, peine parfois à impliquer. L’univers intrigue, mais il manque de relief pour devenir mémorable. On aurait aimé un peu plus de mise en scène, quelques séquences plus marquantes pour ancrer Shizuka dans un vrai parcours personnel et émotionnel. Visuellement aussi, certains environnements se ressemblent trop, et la variété manque sur la durée. Mais ces réserves restent mineures face à la solidité de la proposition.
Maid of Salvation se situe dans cette catégorie rare de jeux indépendants qui trouvent leur équilibre sans en faire trop. Il ne surprend pas, mais il ne déçoit jamais. Il donne exactement ce qu’il promet : un système de combat clair, un monde structuré, un défi progressif et une cohérence constante. On prend plaisir à y revenir, à maîtriser un boss récalcitrant, à chercher un passage manqué. Il y a cette sensation de jeu honnête, bien fini, pensé avec sérieux et respect du joueur.
Maid of Salvation ne révolutionne rien, mais il réussit ce que beaucoup de productions plus ambitieuses échouent à faire : maintenir le plaisir de jeu intact du début à la fin. On y revient sans lassitude, parce qu’on s’y sent bien, dans cette boucle de combat, de progression et de découverte. Et quand un jeu d’action parvient à créer ce confort, cette envie de « juste une dernière zone », c’est souvent le signe qu’il a trouvé sa juste mesure. Il n’a pas la prétention de marquer le genre, mais il en rappelle la substance. Et parfois, c’est justement ce qui fait du bien : un jeu qui ne cherche pas à briller, mais qui sait exactement ce qu’il fait et le fait bien.