Road 96 : un chef d’oeuvre nous amenant dans un voyage inoubliable

DigixArt propose depuis quelques mois sa dernière production, Road 96. Alors qu’il vient de s’offrir une sortie physique, il était temps qu’on vous propose notre avis sur ce roadtrip original et qui prend aux tripes, car oui Road 96 c’est du solide et pas qu’un peu. Dispo à petit prix, le titre nous livre une histoire prenante, profonde, où de nombreux protagonistes attachants, détestables, mais entiers partagent notre route à tour de rôle. J’étais passé totalement à côté l’été dernier et c’était clairement une erreur tant Road 96 est un véritable coup de cœur. On évitera le spoiler au max pour ne rien gâcher, promis – testé sur la version Playstation 5.

La nation de Petria est sous le joug d’un dictateur, Tyrak, qui tient le pays d’une main de fer dans l’oppression. Les Brigades Noires tentent de soulever le pays dans un mouvement révolutionnaire et franchissent la ligne rouge du terrorisme causant des centaines de morts dans un attentat. Les forces de l’ordre abattent sans sommation les rebelles ou manifestants pacifiques sans distinction. La jeunesse essaie de fuir le pays coute que coute, mais ce n’est pas sans danger. Les autorités disent ramener les enfants à leurs parents, mais la vérité est toute autre à la vue des nombreux avis de recherche des portés disparus. La fosse, sorte de camp de travail, ou la mort sont les deux seules issues possibles pour ces fugueurs. C’est dans ce contexte chaotique que l’on incarne notre premier survivant. Pourquoi premier ? Car il ne sera pas le seul.

Dans Road 96, le joueur détient les pleins pouvoirs de son aventure, se déroulant en une dizaine de chapitres (chacun retraçant l’histoire d’un des adolescents de Petria). Notre but est simple : parcourir plusieurs centaines (milliers même) de kilomètres qui nous séparent de la route 96 à la frontière avec un pays libre, et réussir à s’extirper du cauchemar qu’est Petria. Et pour cela, les possibilités sont nombreuses : marcher, faire du stop, prendre un bus ou un taxi, se reposer entre temps dans un camping et j’en passe, mais attention les moyens sont plus que limités ! En effet, certains actions nécessitent de l’argent, dont on ne dispose pas forcément, et surtout notre énergie se vide elle aussi selon nos agissements nécessitant de se requinquer régulièrement en dormant ou via nourriture et boisson.

Prochain arrêt : route 96

La route se décompense en plusieurs étapes nous amenant à rencontrer divers protagonistes donc certains composent l’histoire même de Petria (8 persos). Le panel est riche, diversifié et surtout travaillé. J’ai été plus qu’agréablement surpris par la profondeur que DigixArt a insufflée à son univers. De nombreux dialogues demandent au joueur d’intervenir, ou agir. On constate d’ailleurs un logo à côté de chaque réponse pouvant amener l’anarchie et la révolution, l’envie de changer le monde ou à l’inverse le je-m’en-foutiste/abstention.

En plus d’un impact direct, sachez surtout que cela va modifier la fin du jeu, la conclusion a ce voyage inoubliable. Oui, vous avez bien lu ce sont nos actions (qui sembleraient pourtant anodines, simplement liées à notre avatar du moment) qui décident de l’avenir de Petria : une anarchie totale, l’indifférence ou bien la renaissance d’une nation meurtrie lors du prochain référendum ! De plus, les éléments narratifs débloqués dans un chapitre sont souvent utiles dans les suivants. Au travers d’une multitude de petites histoires, on construit en réalité un monde entier, persistant et cohérent.

L’arrivée à la frontière offre là aussi de multiples choix : se cacher dans un camion et espérer ne pas être découvert lors des xx contrôles douaniers, grimper un pic rocheux, tenter de corrompre un garde, acheter un pass et j’en passe. D’ailleurs, on aperçoit régulièrement sur la carte de Petria avec un pourcentage à côté de chaque personnage principal indiquant la progression de son histoire (qui augmente à chaque scène avec celui-ci). DigixArt délivre une oeuvre béton, et surprenant.

Le gameplay se veut assez simple, en vue intérieure, où l’on déplace notre personnage dans une zone assez délimitée, mais pourtant laissant entrevoir une certaine liberté. C’est paradoxal comme sentiment, mais je peux vous assurer qu’en jeu, cela fonctionne bien. On interagit avec différents objets comme ramasser de l’argent, fouiller une poubelle, consommer nourriture ou boisson (on revient là-dessus plus tard), ou dialoguer avec des personnages.

Mais dès les runs suivant, de nouvelles actions ou activités arrivent. À quelques moments, on a même le droit à des mini jeux ou activité comme de l’air hockey, de la puissance 4 ou même des tirs au but de foot ou participer à une effraction, siphonner un véhicule pour provoquer un incendie ensuite, tirer avec un pistoler à clou, des courses poursuites etc ! La base est simple, quelques ajouts amènent un vent de fraicheur, mais le plus important reste ce qui nous est compté et encore une fois on arrive à en oublier la simplicité du jeu manette en main. Certaines discussions sont soumises à un jet de dé pour réussir. Et c’est sans compter sur des atouts qu’on débloque au fil de l’eau (des réponses en plus grâce à une capacité d’intelligence, du hacking, un pass gouvernemental etc).

Revoluccion !

Road 96 annonce être une aventure procédurale et dans les faits, c’est plus ou moins appliqué. Rejoindre la route 96 et s’échapper (ou non) est une chose, mais ne signifie en rien la fin de l’expérience. En effet, on va suivre successivement plusieurs personnages dans le temps jusqu’à la date théorique de la nouvelle élection. Sur un run, on sent bien que chaque fugueur offre un nouveau voyage, mais si on reprend une partie de 0, on retrouve au final les mêmes scènes, les mêmes rencontres, mais simplement dans le désordre. Cela reste tout de même suffisant pour ne pas sentir de redondance dans une partie, et en cas où on voudrait aller débloquer une autre fin (vous vous en doutiez non?) la génération casse assez le phénomène d’impression de déjà vue dans les grandes lignes.

Le jeu n’est doublé qu’en anglais, mais avec un sous-titrage français de qualité. On ressent les émotions de nos rencontres dans leur voix, c’est assez remarquable. La bande son très 80’ mêlant différents genres dont de gros beats electro inspiration retro new wave est ultra quali , mais elle fera l’objet du prochain OST qui arrive très très vite ! Une chose est sûre, DigixArt a réuni la crème de la crème et nos oreilles ont kiffé.

L’aspect technique pourrait être décrié par certains. Il faut reconnaitre que le rendu Unity peut diviser. Pour ma part, j’ai pardonné facilement cette facette pour plusieurs raisons. Le prix du jeu en premier lieu, et la direction artistique reste vraiment jolie et offre quelques points de vues que j’ai apprécié. Les aficionados de la vitrine Tech ne sont pas au bon endroit du coup. Pour ma part, Road 96 possède un charme certain et il m’a conquis.

Road 96 est une aventure parlante, qui nous intègre dans son histoire comme un acteur à part entière. On choisit de s’enfuir simplement, ou de laisser notre empreinte dans Petria à notre façon que cela soit en bien ou en mal. Le casting est tout bonnement excellent. J’ai adoré Alex le hackeur par exemple, ou encore Jarod pour ne citer qu’eux, mais l’intégralité a son charme même la sale garce Sonya. Notre avatar est à chaque fois un anonyme, un parmi tant d’autres (on a d’ailleurs de nom a aucun moment), mais il façonne la nouvelle Petria (ou non) de par ses (in) actions.

Le contexte est dur, dégueulasse, mais c’est surement ce qui en fait sa force. Plusieurs avatars sont rongés par leur passif, ou de ne pas pouvoir agir comme ils le souhaitent. L’univers créé, sa façon de s’exposer, et de nous impliquer, ce tout est la grande force de Road 96. Et bordel cette bande-son de haute volée accompagne à la perfection ce qui est affiché à l’écran.

Dispo à petit prix, je ne peux que vous conseiller ce Road 96. Il vous fait vivre un trip comme peu de jeux le font. Je comprends maintenant aisément toutes les récompenses qu’il a reçue. Un must have? Je n’ai pas peur de le dire, je considère même qu’il faut le faire absolument.